On pourrait craindre le pire d’un bouquin autobiographique touchant de près, de l’intérieur même, à l’anorexie. Pas n’importe quelle forme ceci dit, l’auteur souffrant, dès le début de l’âge adulte, d’anorexie dite « mentale ». Une façon puissante et incroyable de se restreindre dans la nutrition par la simple force de la volonté. Jours sans Faim est précurseur de l’écriture singulière mais authentique de Delphine de Vigan. Les premiers traits de caractère de sa mère, durement exprimés dans l’inoubliable Rien ne s’oppose à la nuit, commencent déjà à se dessiner. Une écriture viscérale prend vie. Pas de langue de bois, ni de demi-mots. Le style est spontané et surtout d’une grande justesse. S’en est à en tomber par terre.
120 pages, c’est court. Oui mais non. Ici, 120 pages, c’est un parcours du combattant pour le personnage ET le lecteur, tant on entre dans le crâne et dans le corps de la surnommée Laure. On a mal aux os et aux articulations, on a l’estomac retourné, rien qu’en lisant ces lignes suintant le mal-être, la maladie, la dystopie cérébrale. On sera également témoin du regard des autres, parfois impardonnable et terrible, parfois plein de compassion et de vérité.
Enfin, l’histoire se déroule principalement dans un hôpital, à un étage dédiés aux victimes de la faim, dans un extrême tout comme dans l’autre. Si l’hospitalisation s’avère absolument nécessaire dans des cas comme celui de l’auteur (36kg à l’arrivée, authentique sac d’os d’après ses propres mots), c’est de même une sacrée toile d’araignée – un cocon aussi – dont il est excessivement difficile de s’affranchir d’un jour à l’autre. Investissement physique et émotionnel d’une chambre, présence humaine permanente, échanges douloureux ou bienfaisants avec les autres patients… Il s’agit d’une place en dehors du temps et de l’espace.
Une souffrance sublimée. Un ouvrage terriblement sensible, définitivement marquant, envoûtant. Un premier livre, une première étincelle, qui sera suivie d’une kyrielle d’autres comme, à titre d’exemple, Les Heures Souterraines.
Sortie originale : 2001
Genre : Autobiographique, Émotionnel, Pathologique.
Édition originale : Grasset (crédit de une)