Souvent délaissés, surtout oubliés, les sans domicile fixe sont de plus en plus nombreux. Alors que la société ne leur offre guère de perspectives, ces derniers tentent de subsister malgré tout. Alain, 53 ans, a accepté de se confier sur cette lente descente aux enfers.
Le calme avant la tempête
L’ambiance est un peu pesante, Alain boit son café en silence. On ne parle pas ici de timidité mais plutôt de pudeur. Difficile en effet de se livrer quand la vie ne vous a fait aucun cadeau. L’homme ne vient pas de la DASS, ni d’une famille à problèmes. Des parents mariés, un père pompier, une mère secrétaire médicale… Et des études menées à Lyon sans encombre, bien qu’il ait stoppé son cursus en terminale. Alain enchaîne les boulots et globalement avec succès. Une continuité professionnelle instable découlant d’un choix personnel. « J’ai commencé à bosser au sein de la Maison Rousseau, ma polyvalence était appréciée. Je bossais à la vente, aux cuisines. Toute ma vie était consacrée au boulot et je vivais très correctement. »
« J’avais tout ce dont un homme puisse rêver. »
Mais le mot bougeotte revenait constamment dans son récit. « J’ai voulu tout plaquer pour découvrir autre chose. Sur un coup de tête, je suis entré dans l’armée. Un épisode assez douloureux, puisque je ne me suis jamais intégré dans un système disciplinaire et strict qui ne me convenait absolument pas. » Après diverses expériences dans l’agro-alimentaire, il se lance dans des études paramédicales et trouve dans cette branche une certaine stabilité. « J’avais tout ce dont un homme puisse rêver. Un appartement décent, une femme vivant à mes côtés, une relation familiale stable, bien que mon père soit décédé lorsque j’avais 23 ans. Mais le jour où j’ai perdu mon emploi tout a basculé. Mon amie a rompu, je suis tombé dans un cycle dépressif qui ne m’a jamais réellement quitté depuis. »
Une longue descente aux enfers
La dépression engendre alors des troubles psychologiques handicapants. « J’ai cherché refuge chez ma mère. Mais elle n’a pas compris ma détresse et m’a mis à la porte. Je suis entré alors dans un cercle vicieux. Plus de revenus réguliers, plus d’assise sentimentale et plus de soutien familial. Le début de la fin pour moi. » La suite, il la dépeint avec beaucoup de cynisme. « A quoi se raccrocher dans une situation de perdition pareille ? Personne, ni la société d’ailleurs. Courir après le RSA, la CMU, ce n’est pas une vie ». Et rajoute : « Aujourd’hui, je n’ai même plus de quoi soigner mes dents. J’ai fait diverses tentatives de suicides que j’assimilerais plus à des appels à l’aide ».
Alain sort d’un séjour au Vinatier, la seule solution selon lui pour reprendre un peu pied. « Je n’avais guère le choix. A présent, je vis de petits boulots, parfois des amis m’offrent l’hospitalité, parfois ce sont les centres d’accueil, mais le quotidien y est rude ». Malgré tout, Alain termine son récit sur une note positive : « Je suis très croyant et je persiste à croire à des lendemains plus heureux. »