Je pars en courses avec ma fille un mercredi matin, jour officiel de repos dans une vie agitée de travail à trous. Le frigo est vide, la fille n’a pas cours, la grande a été garée devant son arrêt de bus à l’heure, le petit dernier bien déposé également derrière les grilles de son école.
La liste dans la tête, et les onomatopées de l’ado dans les oreilles (« ha lala », « tsss », « hum »), je fonce sagement avec elle au lidl du coin, 15 bornes, c’est rien quand on est à la campagne,,,,
Les courses se font au rythme des « ahhh trop cool », du rayon bazar, alors que je tente d’aborder le rayon frais, car c’est pas les sticks à ongles qui feront bouffer 4 personnes.
20 minutes pour remplir le caddie avec relecture des prix , aspects et dates de péremption de chaque produit, arrivée en caisse unique qui se dédouble comme par magie car tout le monde met 20 minutes pour affluer en caisse, donc deux caisses et des chariots , des ptits vieux, des mères de famille, qui prennent leur mal en patience.
En attendant notre tour, moi et l’ado ça roule super : on discute entre deux onomatopées de la durée de vie du pack XXL de papier toilette à la maison et des bains douche de la miss qui squattent les 4 coins de la baignoire. « muuum ! Les placards sont trop p’tiiiits » . Je repense à l’espace dédié au rangement de la salle de bain et me demande déjà comment optimiser le pliage de ses produits Yves Rocher / voyages à Eurodisney /parc Asterix / ciné/ leçons de poney compris, cadeaux du papa divorcé, chômeur pour pas payer de pension. Ben quoi ! J’résume !
On a enfin posé tous les articles, on se dit qu’on sera dans les temps pour chercher le petit dernier après avoir rangé les courses. Et puis arrive le grain de sable : un homme à la cinquantaine bedonnante, paquet de jambon et de pistaches tenant dans une seule pogne, se plante devant moi, déjà bien rôdé dans son texte récité comme une vendeuse de paniers.
Lui plaintif :
-S’il vous plaît madame j’ai que deux articles et je suis pressé.
Moi gentille et ironiquement plaintive :
-Ah ! Moi aussi je suis pressée.Tentez le coup à une autre caisse
(y’en n’avait que deux souvenons-nous)
Là il a pas aimé, ça se lisait dans son regard, il ne regarde même pas l’autre caisse, c’est moi qu’il veut fumer comme son jambon, question de fierté d’homme, surtout qu’on commence alentour à s’amuser de ce cas de refus de priorité pour limitation de vivres.
Deuxième assaut qu’il prend comme un sésame :
-Je travaille ! Mon camion est dehors !
Je réponds d’un calme olympien mais avec encore plus d’ironie :
-Moi aussi je travaille, tentez une autre caisse .
(Je pense un instant qu’il est en manque de bière et que ses pistaches lui rappelleront sa soirée festive de la veille, mais ce n’est pas mon problème …Mais bon, quand j’ai faim à 10h du matin, je prends pas des pistaches pour me rassasier, et là je me dis qu’il va faire le con pour pas perdre la main dans cette joute verbale brutale où aucun ne laissera passer l’autre).
Un flottement perceptible se lit sur son visage, il se demande si je le fais exprès ou si je suis rien qu’une conne parmi tant d’autres et qu’il serait bon de les exterminer le plus rapidement possible parce que lui travaille et se crève le cul pour que dalle pendant que la conasse fait marcher l’économie avec ses mouflets, de toutes façons elle est bonne qu’à ça, tsssss.
De mon côté, pendant ce flottement, je me demande ce qu’il allait bien faire de ses pistaches et du jambon écrasés dans sa pogne de semi primate furax devant une femme décidée à lui montrer l’égalité des sexes au code de la route du tapis des courses.
Dans un geste grandiloquent la brute jette son butin sur le tapis voisin en pestant un tonitruant « SALOPE » et part sans un « au revoir » giscardien pour parfaire sa sortie de scène.
Assemblée offusquée…
Mon ado mal à l’aise…
Je jubile malgré l’insulte : il est parti sans pitance l’abruti !!!
Dignement l’auditoire attend une réaction de ma part. Je sors désabusée : « salope aujourd’hui, demain pute, la misogynie n’est pas morte » . Non violente ni en colère je regarde ma fille en souriant pour la rassurer (non ta mère n’est pas une salope, mais lui est un con de primate).
La caissière abasourdie ne cesse de râler après le fuyard au camion qui travaille, et se sent bientôt obligée de me dire «ça doit pas faire plaisir de se faire insulter »
Je réponds que je ne me sens pas insultée, je sais bien qui je suis !
Lui continuera de se sentir tout puissant, jouera de sa virilité comme d’un passe-droit, mais nous les femmes, sommes en train de résister !
Alors messieurs les misogynes, c’est bien vous que l’on considèrera comme des salopes demain :)
Doctor Espère
Crédit de une : sobocom-digital
C’est ça la magie de la vie !
Cool. Mais pourquoi « primate » ? Ils n’insultent personne et n’ont pas grand chose de sexiste.
A reblogué ceci sur doctorespere.
lorsque je suis pressée, je demande en m’excusant si je peux passer. Et c’est rare parce que je m’organise pour que ça n’arrive pas. Pour info j’ai déjà laissé passer des femmes enceintes, des personnes âgées et des jeunes aimables qui n’osaient pas me le demander, parce que j’avais le temps !Quand il faut jongeler entre le boulot, les courses et les sorties d’école, je ne laisse pas passer un paquet de pistaches. Il aurait eu des tampax et des serviettes maxi nuit, j’aurais tout de suite laissé passer l’homme. Tiens ça me rappelle que un jour d’hemorragie personne ne m’a laissé passer , moi, pliée en deux, avec mes deux paquets . Clairement le refus de laisser passer un muffle qui n’etait pressé que de montrer qu’il était le plus malin est une petite victoire personnelle sur tous les emmerdeurs masculins machos de cette époque. Merci Noon pour votre éclairage sur la fierté, il y a encore du chemin pour en comprendre ses subtilités.
C’est un moment de vie à un instant T, l’homme reste un mufle et un gros beauf
Clairement le refut de laisser passer est tellement insensé et gratuit que n’importe qui aurait mal réagi.
Seul regret, que les insultes envers les femmes portent tj sur leur moeurs.
Mais pour ce qui est de la situation en elle même, je ne vois pas où être fière.