Cela faisait plusieurs années que le réalisateur Ridley Scott cherchait à faire une suite de son œuvre culte, Blade Runner. Et pourtant, malgré mon attachement pour ce film et l’univers de Philip K. Dick, je n’avais rien suivi des différentes rumeurs de scénarios et autres castings. Il faut dire que les tergiversations de Ridley ne m’intéressaient plus depuis un bout de temps, ses œuvres récentes ayant contribué à ce désintérêt. À l’instar d’Oliver Stone, il semblait avoir perdu ce feu sacré qui me plaisait tant. Mais un jour, tout changea, suite à une information venue à mes oreilles, ou plutôt à mes yeux (vu que l’Internet est omniprésent), je sortis de ma torpeur dickienne… C’était le choix d’un nouveau réalisateur et pas n’importe qui !
Denis Villeneuve, un choix judicieux
Comme beaucoup de mes contemporains, j’ai découvert ce réalisateur avec le film Prisoners. Je parle de Denis Villeneuve (aucun lien avec un pilote de Formule 1 célèbre).
À l’époque, je n’étais pas très au fait de son œuvre. Je me souviens simplement que lors de la sortie de Prisoners en salle, les films à l’affiche n’étaient pas très réjouissants. Étant à la recherche d’une perle rare et influencé par la présence d’acteurs que j’apprécie, ainsi que les très bonnes critiques (Allociné, quand tu nous tiens), je me laissai tenter. En finalité, le choix s’est avéré intéressant et les protagonistes excellents. Le réalisateur trouvait ainsi intérêt à mes yeux, mais le thème perturbant et glauque du film n’incitait pas à une seconde projection ou même à faire des recherches sur le bonhomme. Ma vie reprenait donc son cours. Cependant, ce cher Denis refit irruption, via un ami, amateur exigeant de 7ème art (tout comme moi). Il me fit découvrir un de ses anciens films québecois : Incendies.
Au départ, j’ai cru à une mauvaise blague. Ma connaissance du 7eme art modeste de cette Province, s’arrêtant à Denys Arcand, je restais perplexe :
— Mais c’est un drame familial en langue québecoise ! J’imagine déjà le lot d’expressions qui nous échappent et qui piquent aux oreilles comme « trou d’cul ».
Il cherchait à me rassurer :
— Ne t’inquiète pas ! Il n’y a pas beaucoup de dialogues dans cette langue. Pour le reste, ça cause en arabe !
Cela ne me rassurait guère, non pour cause de racisme primaire, mais de crainte de ne pas pouvoir entrer dans cette étrange histoire arabo-québecoise. Je sentais l’ennui pointer à l’horizon :
— Tu veux m’achever ou quoi ? Je préfère aller voir le dernier Marvel, même si cela me fait perdre 30 points de QI.
Mais après un lobbying intensif ce dernier réussit à me convaincre.
Au final, ce film s’avéra beaucoup plus intéressant que Prisoners. Sous couvert d’une histoire familiale, nous découvrions un contexte politique et religieux d’une région du monde non précisée, mais à la vue de certains détails de l’histoire et vestiges des colonies françaises, l’intrigue se déroulait probablement au Liban. L’ensemble créait une intrigue complexe avec son lot de scènes marquantes. Denis Villeneuve gagnait selon moi, ses lettres de noblesse, un réalisateur à suivre impérativement. C’est donc grâce à lui que Blade Runner est revenu en tête de liste de mes intérêts cinématographiques.
Sur les traces du colonel Kurtz
L’embauche d’un réalisateur réputé afin d’élaborer la suite de Blade Runner, c’est bien… mais pas suffisant (Groland dans le texte). Pour que le projet soit une réussite, il faut bien entendu un scénario en béton armé. Ce cher Denis a sûrement été enthousiasmé par le scénario proposé. Il n’aurait pas pris le risque de désacraliser cet univers futuriste, au risque d’avoir des tueurs à gages aux fesses (projet porté par des fans de S.F. et financé par le crowdfunding). Ridley Scott non plus ! Il n’aurait pas eu l’inconscience d’embaucher LE scénariste ayant travaillé dans les films de Michael Bay.
Je vous vois venir chers lecteurs :
— Mais il n’y a pas de scénario dans les films de Michael Bay !
Et la je répliquerai :
— Ce n’est pas faux ! En général c’est le cas, mais il existe des exceptions.
— Non ?
— Si ! Si ! « The Island » par exemple.
— N’importe quoi ! Ce n’est qu’un simple film d’action comme « Transformers ».
— Je suis en partie d’accord. Mais au début du film, un vrai sujet d’anticipation est abordé. Ce n’est qu’au bout d’une heure, que notre bon vieux Michael lâche son scénariste et repart dans ses travers.
Mais bien heureusement pour les fans, le choix s’est porté sur Hampton Fancher, (qui avait écrit le premier opus). Nous sommes donc bien loin du débutant « low-cost ».
Selon les derniers bruits de couloir, l’intrigue aurait des similitudes avec le roman de Joseph Conrad « Au cœur des ténèbres », qui servit à la réalisation du film « Apocalypse Now », une autre œuvre culte de Francis Ford Coppola cette fois-ci. Souvenez-vous de ce film et de ses monstres audiovisuels, le grand Marlon Brando dans son rôle de Colonel Kurtz, ainsi que Martin Sheen, Robert Duvall et Dennis Hopper. Les plus observateurs d’entre vous auront sûrement reconnu le jeune Laurence Fishburne et aperçu furtivement notre emblématique Blade Runner, Harrison Ford.
A la recherche du replicant perdu
Ridley Scott cravache depuis un moment pour qu’Harrison Ford continue l’aventure. Cela ne fut pas chose aisée pour que ce pilote aguerri lâche le manche du Faucon Millenium. Mais la présence de l’icône laisse quelques questions en suspens. Le personnage de Rick Deckard diffère selon les différentes versions du premier opus (1982, 1992, 2007), Ridley Scott et Hampton Fancher se contredisant sur le statut d’humain ou de réplicant du personnage central. Le scénariste offre la part belle au doute, à l’inverse du réalisateur. Il pourrait donc être nécessaire de rajeunir l’acteur numériquement dans Blade Runner 2, la durée de vie d’un réplicant étant de 4 ans et non de plus de 30 ans. Il existe quelques expérimentations de chirurgie numérique, comme Arnold Schwarzenegger dans « Terminator Renaissance » et Jeff Bridges dans « Tron, l’héritage ». L’opération est donc envisageable, mais reste à savoir si le rendu final sera convaincant !
Il semblerait que la participation d’Harrison Ford soit anecdotique, à la fin du film. Ce qui laisse redouter un simple coup marketing destiné à attirer massivement les fans dans les salles obscures. On ne peut pas ignorer que notre bon vieux Harrison reste toujours « bankable » (Il sert actuellement de faire-valoir, dans la promotion de Star Wars épisode VII). En définitive, le rôle serait proche de celui de Marlon Brando dans le film de Francis Ford Coppola. Reste à savoir si le personnage du Colonel Kurtz sera repris à la lettre. Est-ce que Harrison Ford sera obligé de se raser la tête ? Cela ne devrait pas perturber l’acteur outre mesure, ayant déjà souffert le martyre en se faisant épiler le torse pour une campagne contre la déforestation des forêts tropicales.
Toutes ces questions resteront sans réponse jusqu’en 2016. Encore un peu de patience…
Une petite dose de Canada Drive
Enfin, à l’exception de l’acteur canadien Ryan Gosling, le reste du casting est encore inconnu. Mais en ce qui le concerne, je garde l’espoir qu’il sera un peu plus charismatique que dans le film « Drive ». Sinon, il aurait suffi de choisir Hayden Christensen ou Casey Affleck. En cette période de marasme économique, ils doivent être les acteurs ayant le meilleur rapport/qualité prix sur le marché du visage inexpressif. Mais peut-être seront-ils prochainement crédités dans des rôles secondaires de replicants.
En tout cas, j’y crois ! Ryan saura sans aucun doute prendre la mesure de ce monument qu’est Blade Runner, pour ne pas ternir l’image d’une œuvre devenue cultissime.
J’aurais juste un conseil à lui donner :
— Fais Gaff à toi Ryan…