Sea handicap and Sun #Episode 1 : Les préparatifs

Un camping accueille pour trois semaines une équipe d’animation et une vingtaine d’adultes en situation de handicap mental. Entre ambiance de folie et galères, le Doctor Bodré vous plonge dans une expérience peu commune sur les plages de la Méditerranée. Il se placera aussi bien dans le regard du vacancier handicapé que dans celui des animateurs. Mais place au premier opus et aux préparatifs du voyage, une partie un peu plus informative avant d’entrer dans le vif du sujet.

I ) Roland

Il s’appelle Roland et bosse comme agent de service. Si le juge de tutelle l’accepte, il aura bientôt son propre appartement. Il feuillette dans sa chambre un catalogue à la recherche de son lieu de vacances. Et la destination idéale ne se fait pas attendre : Argelès-sur-mer dans le Gard ! Vingt jours au soleil avec pour thématique : camping, activités nautiques et fiesta, au top !

Roland est en situation de handicap mental. Hébergé pour le moment en foyer, ses « éducs » prennent leurs vacances en août. C’est l’occasion pour lui de changer d’air, de voir de nouvelles têtes et surtout de s’éclater. Depuis qu’il a quinze ans, il part toujours avec le même organisme dont il connaît bien le fonctionnement. Ses vacances, il les attend de pied ferme. Son inscription est partie fin janvier, dès la réception du catalogue,  c’est lui qui les paie (avec un coup de pouce du conseil général). L’excitation monte !

D’abord c’est la préparation de la valise avec inventaire détaillé des affaires qu’il emmène (vêtements, lecteur MP3, semelles orthopédiques et bas de contention). Mais le soleil est encore loin de se lever lorsque Roland monte dans le bus. Première destination, le parc de Parilly, près de Lyon et sur la route plusieurs arrêts pour récupérer d’autres vacanciers. Pour les accompagner, des animateurs gèrent leurs bagages, vérifient que tout le monde est présent à chaque arrêt et s’adaptent aux différents contretemps. Ces contretemps, il les connaît bien. Sa voisine a par exemple relâché sa vessie sous le coup de l’excitation ou du stress. Une animatrice essaie de lui faire tant bien que mal une toilette sommaire avec des lingettes dans l’étroite cabine de l’autocar. Au fond du bus, un autre vacancier chante en boucle « Parrriiiis, Paaaaaaaaarrris, Pariiiiiiiiiis ». Sûrement un supporter du PSG. Pour se couper un peu de cette agitation, Roland met ses écouteurs et lance la musique, la route des vacances défile !

Vers 13 heures, il arrive enfin à Parilly. Sitôt descendu du bus, il abandonne sa valise aux mains des bagagistes et suit une animatrice qui l’amène à son nouveau point de rendez-vous. Il est quand même un peu anxieux, il y a deux ans, son sac a été égaré et renvoyé chez lui avec deux semaines de retard. Arrivé à la tonnelle 23, il est accueilli par Louis, le directeur de séjour, commence alors le déluge de questions : « On va faire du bowling ? Aller en discothèque ? Y aura de la bonne musique ? Où sont mes bagages ? » Louis répond en souriant qu’ils auront tout le temps de discuter du séjour plus tard et lui conseille de le suivre vers un groupe en train de pique-niquer.

Le directeur le présente aux autres vacanciers, puis à Julie, l’assistante sanitaire du séjour. C’est avec elle que Roland prendra son traitement contre l’épilepsie pendant toute la durée du séjour. Après un café et des retrouvailles avec des rencontres d’anciens séjours, Roland découvre avec plaisir que ses bagages sont arrivés à bon port. Un peu plus tard, il se proposera pour aider à charger les soutes, et montera dans le bus.

Tout a été vérifié, revérifié. Les vacanciers sont tous là, les valises et les animateurs aussi. Dernière étape avant la côte méditerranéenne ! L’ambiance est cette fois-ci plus légère. Roland écoute attentivement, puis demande à un animateur si les bungalows contiennent des prises pour recharger portable et MP3. Apparemment oui, ça le rassure un peu. Julie repasse le voir, et lui demande s’il a bien l’ordonnance pour son traitement dans sa pochette. Oui, il l’a. Elle la récupère et lui explique comment va se passer la distribution des traitements. Il écoute poliment et conclut par un « oui, oui, comme d’habitude » souriant. Puis sentant que ce dernier n’a pas très envie de discuter, elle se dirige vers un autre vacancier. Lui enfile son casque.

Six heures de car (plus les cinq du matin), trois pauses supplémentaires plus tard et les voilà enfin arrivés.  Pour Roland et les autres, la découverte des lieux se fera à pied. Il est content, les bungalows ressemblent à la photo du catalogue, et la piscine et la discothèque du camping sont chouettes. Ils sont accueillis sur leur lieu de villégiature par Louis qui a installé un buffet de bienvenue, avec des boissons fraîches, des salades, de la charcuterie, du fromage, ça s’annonce bien. Tout le monde discute une assiette en carton à la main. Julie, de son côté, s’occupe de la prise des médicaments. Le séjour commence paisiblement.

Il est déjà tard, et après une journée pareille, dormir ne serait pas un luxe. Roland partagera ses appartements avec trois autres hommes de même âge avec qui il a sympathisé. Bonne nouvelle, il y a une prise dans chaque chambre, deux dans le salon et une dans la salle de bain. Tous les portables pourront être chargés ce soir.

II ) Louis

Louis a 24 ans et étudie en deuxième année de sciences de l’éducation à l’université Lyon II. Pour se faire quelques sous, il travaille les mercredi et vacances scolaires comme animateur dans un centre social de Saint Priest. C’est un boulot qu’il apprécie et qui correspond à son projet professionnel (il va tenter le concours d’instit’). Baroudant depuis quelques temps dans ce secteur, il a envie d’évoluer pour ce qui va peut-être être sa dernière saison estivale. Pour cela, il souhaite passer un BAFD (Brevet d’Aptitude aux Fonctions de Directeur). Les neufs jours de formation coûtent en moyenne cinq cents euros mais Louis sait qu’il bénéficiera d’un coup de pouce de la CAF et du CROUS.

Une formule gratuite est proposée par une association plutôt importante dans le milieu de l’éducation populaire et lui paraît honnête. En échange de sa formation, s’il obtient le diplôme, il reçoit la charge d’un séjour accueillant des adultes en situation de handicap mental pour le mois d’août. Cerise sur le gâteau, le séjour est payé. La seule contrepartie demandée est modeste : un chèque de caution du montant de la formation, au cas où il se désisterait en cours de route, restitué à l’achèvement du contrat. L’idée est séduisante. Louis passe quand même un coup de fil à l’organisateur car il ne connaît pas bien le public et pose quelques questions sur la formation (notamment ce qui suit l’attribution d’un séjour). Rassurer sur ses quelques incertitudes, il décide de signer.

La session de formation se déroule pendant les vacances de Pâques. Le stage se passe sans anicroches, les participants viennent de milieux variés, ce qui favorise les échanges. L’équipe est à l’écoute et les contenus sont intéressants. En fin de semaine, Louis fait partie des « validés ». Cet été, Il part pour Argelès. Vingt jours en mobile home avec un groupe de vingt vacanciers handicapés de bonne autonomie. On lui donne de la doc’ pour accompagner la préparation de séjour et lui récupère des contacts chez les stagiaires et les formateurs. Il pourra compter sur ce réseau naissant.

Il reste une douzaine de semaines pour être au point sur son séjour (recrutement, information sur la région, documentation sur le public, budget prévisionnel, etc..) Entre son mémoire, ses partiels et sa préparation, la fin d’année s’annonce chargée. D’ici là, deux week-ends de briefing l’attendent, l’un pour faire le point entre directeurs et organisateurs, l’autre avec son équipe pour finaliser la préparation avant le début de la saison. Mi-juillet, tout est bouclé. Son équipe est au complet, il a visité le camping et les menus sont prêts.

La veille du départ, rejoint par Julie, son AS, il récupère le minibus à Villeurbanne. Il reçoit ensuite une partie de son budget, une coquette somme donnée en liquide qu’il conservera dans une banane estampillée du logo de l’association. On lui donne aussi les dossiers d’informations des vacanciers et les documents obligatoires pour son séjour. Il profite du temps qui lui reste pour faire les premières courses, uniquement des denrées sèches, des produits d’entretien et du matériel pour les activités (qui partirait en vacances sans ses boules de pétanque ?). Le soir, il potasse ses documents (non pas qu’il en ait réellement besoin, mais ça lui permet de ne pas trop se focaliser sur son stress). Plus tard il va boire une bière autour du feu puis va se coucher. La journée du lendemain commence tôt et s’annonce longue.

Le grand jour arrivé, lui et Julie prennent la direction de la plateforme de départ, au parc de Parilly. Arrivés à 10 heures, ils repèrent leur tonnelle, la décorent avec quelques ballons et commencent à attendre. Le stress commence à monter, teinté d’un peu d’appréhension. Louis s’en rend compte car c’est la troisième clope qu’il allume en moins d’une heure. Chez ses voisins animateurs, quelques vacanciers sont déjà arrivés, dont un qui a attendu un moment d’inattention pour s’échapper, ce qui n’est pas de nature à le rassurer sur la suite des évènements. Une demi-heure plus tard, le premier vacancier arrive,Philippe, la quarantaine, assez sympathique au premier abord, mis à part cette tendance à lancer des insultes quand le contexte ne s’y prête pas. La discussion se construit, le stress s’atténue, d’autres arrivent et c’est bientôt l’heure du repas. Côté équipe, quatre des cinq animateurs du séjour sont déjà sur place. Il ne manque plus que deux vacanciers et une animatrice. Apparemment il y a eu un retard sur une de leurs étapes.

L’heure tourne et il est temps pour Louis de reprendre le minibus direction Argelès. Avant de partir, il fait un dernier point avec son équipe sur la suite des évènements et confie la responsabilité du voyage à Julie. Alors que le car dépasse Valence, elle lui envoie un SMS : « On décolle de Lyon, tout le monde est bien arrivé, on aura un peu plus d’une heure de retard « . Louis est large pour ce qu’il lui reste à faire. En effet, la journée est loin d’être finie. Il doit encore rencontrer le gestionnaire du camping pour faire l’état des lieux, s’occuper des courses d’aliments frais et préparer le buffet d’accueil. Tout au long de l’après-midi, Julie lui communique les infos sur leurs différentes étapes. Il est soulagé, sur les rotules, mais dans les temps.

Tout est en place pour l’accueil. Louis a réussi à caser, non sans difficulté, toutes les courses. Il a vérifié ses agencements (pour éviter la mixité dans les bungalows des vacanciers). Il peut enfin se poser quelques minutes et se demande  si ce n’est pas l’occasion idéale d’attaquer la compta’. Ça attendra finalement le lendemain. Le groupe de Julie arrive enfin. Il vient les accueillir pour charger les valises et les guide jusqu’à leur lieu de villégiature Commence alors la visite du camping, les discussions autour du programme, le buffet puis les vacanciers s’installent tranquillement dans leurs nouveaux quartiers. L’installation pour le premier soir est sommaire. Les anim’ prendront le temps de défaire les valises et fignoler tout ça le lendemain. Mais le premier réflexe est d’aller vérifier si l’eau est bonne.

Tous les vacanciers sont couchés et Louis rassemble l’équipe pour la réunion du soir. Il s’occupe d’abord de la paperasse (signature des contrats, dossiers animateurs..) puis enchaîne avec le débrif’ et la préparation du lendemain. L’équipe s’offre enfin un petit moment de détente autour d’une bière et du reste du buffet, et se raconte les anecdotes croustillantes de l’épopée du jour.  Louis se couche avec la satisfaction du devoir accompli, le sourire aux lèvres.

Doctor Bodré

Crédit : argeles-sur-mer.com

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Doctor Bodre

Animateur auprès de personnes handicapées, je vous fait partager nos aventures hautes en couleur !

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